Beatrix au pouvoir

De Paris by Night
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Une nouvelle ère

La disparition d’Alexandre était une occasion rêvée pour les Toréadors d‘accéder au pouvoir. Face à des Ventrue divisés, en proie à des règlements de compte, ils apparaissaient comme une alternative intéressante et crédible. Beatrix expliquait à qui voulait bien l’entendre que les Ventrues avaient failli faire sombrer Paris, qu’ils s’étaient compromis avec les bourguignons et flirtaient avec les anglais et qu’en somme, ils n’étaient plus dignes de diriger la ville.

Ces arguments, accompagnés de quelques promesses démagogiques, trouvèrent un écho très favorable chez les autres clans. Dans un conclave sous forme de lynchage anti-Ventrue, ils élirent Prince la Toréador Béatrix. Criant au complot, accusant les Anciens de complicité dans le meurtre d’Alexandre, Magnerius de Sens rejeta le vote et se proclama unilatéralement Prince de Paris. Il était aussitôt reconnu par la plupart des Princes Ventrues de province.

Le conflit était inévitable. Il opposa les tenants de l’ordre ancien aux réformateurs, Magnerius soutenant le féodalisme et les Toréadors parisiens tentant, en réaction, de construire un état de plus en plus centralisé. Ces programmes ne manquaient d’ailleurs pas de faire grincer quelques dents ; il apparaissait en effet que la politique de Béatrix était plus proche des positions d’Alexandre que celle des Ventrues.

Les acteurs principaux de cette lutte étaient quatre. Les même qui avaient soutenu Alexandre durant la guerre de Cent Ans. D’un côté Magnerius de Sens et Pierre Emmanuel de Pompignan, et de l’autre Béatrix et son conseiller François Villon.

Autant les premiers étaient considérés comme illégitimes à Paris, autant les second se retrouvaient, sur le plan national, complètement isolés. Les Ventrues, quelles qu'aient été leurs positions dans le passé, leur étaient hostiles, et les Toréadors du Sud, jaloux de leur indépendance supportaient assez mal leurs visées hégémoniques.

Magnérius se devait de profiter de cette situation. Il allait tenter de réduire Béatrix à une simple intendante de la ville de Paris, tandis que lui resterait le maître de la royauté. Pour cela il fallait de grandes actions spectaculaires. Ce furent les guerres d’Italie.

L’aventure italienne

Conçue à la base pour couper court à toute alliance entre Béatrix et les Toréadors italiens, cette épopée française allait durer près d’une centaine d’année. Au delà d‘un conflit local agrémenté de complexes manigances entre cités, cette guerre était un défi aux autres puissances voisines et une lutte pour la domination de l’Europe. Confronté à des adversaires bien plus nombreux que ses partisans, Magnérius voulait démontrer qu’à travers une unité des Princes français derrière son autorité il pouvait résister à n’importe quelle puissance. En somme il voulait asseoir de manière incontestable sa suprématie.

À Paris, les Toréadors laissaient faire et consolidaient leur pouvoir sur la ville. Indirectement les guerres d’Italie les renforçaient en introduisant en France l’esprit de la Renaissance. L’art et la littérature connaissaient d’importantes mutations. Les rudes seigneurs français découvraient le raffinement et les mœurs subtiles des italiens. La culture, peu à peu, devenait un élément indispensable pour une noblesse en pleine mutation. L’architecture, le mobilier, l’habillement devenaient plus élaborés. L’apparat passait au centre des préoccupations et les rapports sociaux évoluaient dans le sens d’une plus grande rigidité, selon des règles que les Toréadors établissaient. Ils gagnaient ainsi une influence considérable sur la Cour et les grands seigneurs. François 1er fut d’ailleurs le premier roi de France à être plus proche du clan à la Rose que des Ventrues. Il fonda à Paris le collège de France, lança la construction de l’aile Renaissance du Louvre et s’entoura d’une cour d’artistes.

Les Toréadors soutenaient aussi le développement de toute une classe bourgeoise naissante, esthète et lettrée qui remettait en cause le traditionnel pouvoir des nobles.

Ainsi à la fin des guerres d‘Italie, il apparaissait que Magnerius n’avait pas gagné grand chose. Certes il avait une importance nationale, mais son assise sur Paris s’était encore effritée et le pouvoir royal lui échappait peu à peu. Les événements allaient cependant lui laisser une nouvelle chance…

Les luttes religieuses

L’apparition du protestantisme créa une opposition sans précédent au sein de la population française. Mais au delà des questions de foi et de convictions personnelles, les guerre de religions étaient éminemment politiques. Beaucoup de Princes profitaient de la Réforme ou de la Contre-réforme pour s’émanciper du pouvoir central.

Les Toréadors parisiens étaient, politiquement, opposés au protestantisme qui affaiblissait l’Eglise catholique où ils étaient très présents. Magnerius profitera de cet état de fait pour jouer un double jeu assez subtil. A Paris, il contrôlait secrètement les Guise, résolument anti-Huguenot et poussait les Toréadors à plus de radicalisme pour les opposer aux Brujahs idéalistes. Ailleurs en France, il soutenait l’indépendance des Princes et leur liberté de choix.

La lutte larvée entre Magnerius et les Brujahs, caractérisée par l’opposition entre les Guise et les Coligny à la Cour, polluait toute la politique à Paris et paralysait quelque peu le champ d’action de Béatrix. A peine pouvait-elle se contenter de faire un jeu de bascule pour préserver ses intérêts tout en veillant à ce que les deux partis se paralysent mutuellement. A travers Catherine de Médicis, très liée au Giovanni, Béatrix tentait de réunifier le royaume sous son autorité. François Villon fera un tour de France de tous les Princes influents, mais sans résultat. La plupart des Vampires étaient satisfait du chaos ambiant, qui leur permettait de régler certains comptes et de garantir leur indépendance L’unité du royaume était toutefois menacée et la longue œuvre d’Alexandre se disloquait dans une guerre civile généralisée. Béatrix tout comme Magnerius en avaient conscience. Après une quarantaine d’années de luttes, ils profitèrent du mariage de Marguerite de Valois, fille de Catherine de Médicis, et d’Henri de Navarre, huguenot, pour convoquer un grand rassemblement des Princes de France à Paris et arriver à un accord qui puisse satisfaire tout le monde.

La suite est bien connue. Succombant aux pressions de Catherine de Médicis et du Duc d’ Anjou, Charles IX laisse se dérouler sans réagir l’effroyable massacre de la Saint-Barthélemy. On y compta près de 3000 morts parmi les mortels et plus d’une quinzaine, parmi les Vampires venus à Paris pour le rassemblement. Les clans parisiens nièrent leur responsabilité dans la tuerie et accusèrent les Princes catholiques de provinces d’avoir préparé de longue date cette machination. Magnerius de Sens accusa Beatrix d’incompétence puisque c’est elle qui contrôlait la plupart des services de sécurité de la ville, tandis que celle-ci faisait prévaloir le danger d’un pouvoir partagé et faible à Paris et la nécessité qu’elle puisse enfin régner seule. Ces luttes intestines brouillèrent les pistes et jamais la véritable chaîne des responsabilités ne fut comprise. Le fait est, toutefois, que c’est en cette nuit qu’Henri de Navarre fut remarqué par les Toréadors et se convertit temporairement au catholicisme. Cette carte allait se révéler très vite payante.

Le Pouvoir passe de main

Henri IV a bien été un pion des Toréadors. Avec son accession au trône, se confirmait la main mise définitive de Béatrix sur la royauté française et son rôle désormais incontournable dans la politique nationale. Face à elle, Magnerius de Sens accentuait son soutien aux Princes de provinces. Pour conserver leurs influences et couper court aux visées de Béatrix, ces derniers plaçaient leurs pions dans la Cour du roi. Cela, paradoxalement, les affaiblissait. Car en s’immisçant dans la politique parisienne, ils en renforçaient le rôle central.

Les rapports des forces à Paris, en ce début du XVII siècle, étaient assez complexes. Les Toréadors étaient, de gré ou de force, parfaitement unis derrière Béatrix et Villon. Les Ventrues, eux, étaient très divisés ; les séquelles de la guerre de cent ans ne s’étaient pas encore refermées et certains en arrivaient même à soutenir la politique de centralisation du Prince. Les Brujahs et les Malkavians venaient cependant brouiller les cartes, n’entrant dans aucune coalition et s’alliant tantôt avec un camp tantôt avec un autre… Pour s’assurer une assise plus stable, surtout après la mort d’Henri IV, les Toréadors firent entrer dans le jeu parisien un nouveau clan qui connaissait une ascension fulgurante : les Giovannis.

Le temps des Empoisonneurs

La Cour vampirique vivait dans une ambiance de plus en plus tendue et trouble. Cela ne manquait pas de se refléter dans le climat extrêmement malsain de l’entourage de Catherine de Médicis et de son très controversé conseiller Concini. Une vague d’empoisonnement sévissait dans leur entourage et une folie meurtrière semblait souffler sur la cour. De nombreuses rumeurs faisaient état de la responsabilité des Baalis, d’autres de membres du Sabbat ou même des Giovannis. Ces derniers, pour se défendre, accusèrent publiquement les Sétites, qui se retirèrent brutalement de la capitale, abandonnant pour plus de 150 ans toute influence sur Paris…

Leurs rivaux supprimés, les Giovannis prenaient de l’assurance et entrevoyaient certaines ambitions. Ils en devenaient une ombre pour les Toréadors. L’assassinat de Concini (23 avril 1617) vint opportunément limiter leur pouvoir. Les Nécromants virent derrière cet événement la main de Béatrix. Ils brisèrent dès lors l’alliance avec le Prince de Paris et tentèrent de renverser le pouvoir des Toréadors. Isolés, ils échouèrent pitoyablement. Quelques années plus tard, ils se rallièrent de nouveaux aux Toréadors, mais Richelieu, leur principal pion était désormais fermement contrôlé par Béatrix et Villon.

Richelieu et la conquête de la France

La politique sous Richelieu était simple: accentuer la centralisation du pouvoir, renforcer l’autorité du roi et abattre la puissance des Princes de province. Béatrix décidait d’entrer en guerre ouverte avec les Ventrues français. Elle profitait cependant de leur division. Entre les catholiques et les huguenots, l’entente n’était toujours pas possible. Béatrix concentra ses attaques, dans un premier temps, contre les Princes protestants, mais les Ventrues catholiques, proches de la Cour, lui donnèrent l’occasion de s’en prendre à eux. Ils n’avaient en effet de cesse, de monter des complots pour éliminer Richelieu et affaiblir l’autorité du roi. Toutes leurs manigances furent déjouées et, si les coupables ne pouvaient être directement condamnés, plusieurs de leurs proches servirent de boucs émissaires et furent impitoyablement exécutés.

Les germes de l’hégémonie se mettaient en place et peu à peu la province se retrouver dans un état de dépendance vis-à-vis de la capitale.

À la disparition de Richelieu, un autre conseiller prenait la relève: le cardinal Mazarin. En théorie lié aux Giovannis, il fut en pratique entièrement contrôlé par le Prince de Paris. L’influence des italiens se réduisait progressivement. Il n’était en fait plus que des boucliers pour les Toréadors et seraient bientôt sacrifiés sur l’autel de la Fronde.

La Fronde… Destruction de Magnerius

La Fronde a symbolisé l’ultime résistance des Princes de provinces et de Magnerius contre l’hégémonie parisienne. Ses premières victimes furent les Giovannis qui durent, pour la plupart, s’exiler de Paris. Les cibles suivantes étaient, bien entendu, les Toréadors. Le mouvement était de très grande ampleur mais peu coordonné. La plupart des clans voyaient bien le pouvoir leur échapper progressivement et ils réagissaient avec vigueur mais de manière plus spontanée que réellement réfléchie et chacun incitait ses protégés humains à se rebeller contre Mazarin et le pouvoir royal.

La Fronde dura plus de 10 ans et se dirigeait vers un échec. Une ultime tentative fut alors entreprise, elle visait à la destruction physique de Béatrix. Celle-ci s’enfuie de la capitale mais sa réaction ne se fit pas attendre. Elle s’allia momentanément avec les Brujahs et entrepris un « nettoyage » en règle de la capitale. Échappant de peu à la mort, Magnerius quitta Paris pour se réfugier en Espagne où il fut mystérieusement assassiné quelques mois plus tard. Béatrix était enfin l’incontestable Prince parisien mais son emprise avait quelque peu baissé, de même que l’influence des Toréadors s’était érodée. En face, les Brujahs s’étaient reconstitués et représentaient une force qu’il était désormais impossible de sous estimer.

Le Grand siècle

Pour garantir sa sécurité et maintenir son influence sur la royauté, Béatrix, après quelques années à Paris, choisit de se déplacer à Versailles, entraînant avec elle Louis XIV (6 mai 1682). Dans son nouveau palais, l’emprise des Toréadors était totale. Pour participer à la politique nationale, les Ventrues devaient désormais se rendre au palais et se retrouvaient en conséquence dans une position de faiblesse.

Mais Versailles n’était pas seulement un centre de pouvoir, c’était également un grand rassemblement d’artistes et d’hommes de lettres. Loin des tracas et des troubles de la capitale il s’y développait un art classique répondant à des règles esthétiques bien établies. Si l’inventivité n’était pas toujours au rendez-vous, les hommes de cultures bénéficiaient de rentes importantes de la part du Roi. L’art devenait officiel au fur et à mesure qu’il se développait. Le Pouvoir de Béatrix s’affirmait alors dans toute sa splendeur et elle reprenait de plus belle sa stratégie de l’Hégémonie et du contrôle des Princes de province.

Toutefois, si beaucoup de Toréadors suivirent la Cour à Versailles, un certain nombre restèrent naturellement à Paris. Ils élirent comme nouveau Primogène François Villon, le ténébreux et séduisant conseiller de Béatrix. Ce dernier apparaissait comme la personnalité forte de la capitale, chargé de composer avec les différentes factions opposées. Et il avait fort à faire, car une nouvelle Cour des Miracles s’était constituée qui, contrairement à l’alliance pacifique du XVème siècle qui voulait juste marquer une certaine forme de protestation, se trouvait être bien plus engagée et résolue. Ses chefs étaient des Brujahs, des Malkavians et des Gangrels extrémistes, désireux de transformer radicalement la société vampirique et de bouleverser l’ordre établi. Tandis que Versailles consacrait la victoire des Toréadors sur les Ventrues, à Paris se développaient les germes de la révolution…

L’esprit des Lumières

Versailles avait beau être le centre du Pouvoir, Paris restait tout de même une ville de près de 600 000 habitants, avec les plus illustres salons d’Europe et une activité intellectuelle foisonnante. Les Brujahs soutenaient de nouveaux courants de pensées, dans les académies et les salons, où ils remettaient en cause l’ordre établi. Ils bénéficiaient pour cela de l’indulgence des Toréadors parisiens qui se prenaient au petit jeu du modernisme. Sans être complice, Villon voyait d’un air amusé ses relents de progressisme; n’avait-il pas été l’un des premiers poètes contestataires ?

La pensée critique, le renouveau des sciences, le rationalisme étaient autant d’idées qui faisaient leur chemin. La publication de l’Encyclopédie par Diderot et d’Alembert (28 juin 1751) vint soutenir ces nouveaux courants. Mais les sciences et la philosophie n’étaient pas les seuls à profiter de ce foisonnement d’idée, le roman faisait également une entrée spectaculaire et devenait un style de littérature majeur. En fait, les Toréadors parisiens tentaient de maintenir une position d’équilibre entre les Ventrues et les Brujahs. La situation leur semblait pleinement satisfaisante. Mais les idées se radicalisaient peu à peu et les antagonismes devenaient trop importants. Déjà, il était trop tard pour réagir. Les événements allaient se précipiter: les Brujahs, alliés avec les Malkavians et quelques Gangrels lançaient en Juillet 1789 une grande offensive pour s’emparer du Pouvoir et balayer l’ancien système.